Chapitre 12

J’échappai de l’incendie avec quelques brûlures au second degré sur les pieds. Ma maison, quant à elle, brûla de fond en comble. Tout ce que je possédais, mes livres, mes vêtements, mes meubles, même ma voiture… il ne restait plus rien. Un des voisins appela les pompiers mais, le temps qu’ils commencent à arroser les flammes, elles avaient déjà leur vie propre. La bonne nouvelle, c’est que les pompiers empêchèrent que l’incendie se propage aux maisons voisines. Une fois le choc passé, je pourrais m’en réjouir.

Les policiers suivirent de peu les pompiers. M’étant échappée par la fenêtre à l’arrière de la maison, je n’avais pas vu la croix en flammes sur ma pelouse. Colère de Dieu et le KKK étaient tombés d’accord sur le fait qu’une croix en flammes était une carte de visite probante.

On était quand même en droit de se demander pourquoi Colère de Dieu brûlerait la maison d’une exorciste. Nous sommes supposés être du même bord, non ?

Faux, d’après Colère de Dieu. Ils pensent que nous, les exorcistes, sommes trop gentils avec les démons parce que nous ne visons pas les hôtes. Eux, ce qu’ils aiment vraiment, c’est brûler vif, et nous leur gâchons leur plaisir. De plus, ils trouvent que l’hôte d’un démon mérite tout autant la mort que le démon, même les hôtes qui sont possédés contre leur gré. Parce que, dans cette Guerre menée par Colère de Dieu, seuls les Mauvais peuvent être Possédés par les Suppôts de Satan.

Colère de Dieu, c’est les Croisades, l’Inquisition espagnole et les Procès des Sorcières de Salem en un seul package.

Les voisins sortirent de chez eux pour profiter du spectacle pendant que j’étais assise avec l’équipe médicale à respirer de l’oxygène et à espérer que mes pieds brûlés se détacheraient de mes jambes, ce qui m’éviterait de sentir la douleur. Quand l’équipe de secours me permit enfin d’ôter le masque à oxygène, Mme Moore, ma voisine la plus proche, m’apporta un téléphone pour que je puisse appeler Brian.

Si j’avais eu le choix, j’aurais passé la nuit dans un hôtel. Non pas parce que je ne voulais pas être avec Brian, mais parce que je craignais de le mettre en danger. Vous voyez, même si tout cela portait la signature évidente d’une opération de Colère de Dieu, c’était une trop grande coïncidence. Je veux dire, vraiment, quelles étaient les chances que ma meilleure amie veuille me paralyser au Taser, que des hommes armés s’introduisent dans ma maison au beau milieu de la nuit, qu’on essaie de me faire coincer pour meurtre et que Colère de Dieu décide justement de ce moment pour brûler ma maison et moi à l’intérieur ?

J’espérais vraiment que celui qui en avait après moi n’allait pas faire une seconde tentative dans la nuit parce que, sans moyen de paiement, je n’allais pas pouvoir prendre de chambre à l’hôtel. À contrecœur, j’appelai Brian. Je lui laissai penser que la police avait raison et que c’était une attaque de Colère de Dieu. Juste pour ce soir-là. Le lendemain, je lui avouerais ma crainte que quelqu’un cherche vraiment à me tuer et qu’il soit victime d’un tir croisé. J’imaginais bien que ce genre de discussion serait désagréable, d’autant que je n’étais pas près d’admettre la raison pour laquelle je pensais que cela arrivait. Franchement, je ne pensais pas qu’il me dénoncerait comme étant un hôte illégal mais, après sa prestation au poste de police l’autre jour, je n’étais pas à cent pour cent certaine non plus du contraire.

J’empruntai un truc informe qui ressemblait à une robe hawaïenne – et je défie quiconque de porter ce genre de chose sans se sentir transformée en Bessie la vache à lait – à Mme Moore. C’était mieux que mon pyjama trempé, mais à peine. Sur elle, la chose descendait aux chevilles. Sur moi, elle touchait à peine mes genoux. Sans compter qu’il était tout bonnement impossible que je rentre ma pointure 42 dans ses chaussures pointure 37, même sans tous les bandages.

J’avais l’air d’une veille mémé quand Brian vint me chercher. Mon chevalier dans son armure flamboyante me prit quand même dans ses bras et me porta jusqu’à sa voiture afin que je n’aie pas à marcher sur mes pieds bandés. Il me tint la main pendant tout le trajet. Nous nous adressâmes à peine la parole. Je contemplais par la vitre les premières lueurs de l’aube, en essayant de ne pas réfléchir, tandis que les larmes qui coulaient de mes yeux rafraîchissaient mes joues.

Arrivés à son immeuble, Brian me porta encore, ce que j’aurais refusé si j’avais été dans mon état normal. Une fois à l’intérieur, il me retira ma robe informe en un temps record, sans tenir compte du fait que je ne portais rien en dessous, ce qui était exceptionnel. Il me glissa amoureusement dans son lit avant de s’allonger près de moi, entièrement habillé. Je posai ma tête sur ses cuisses et m’endormis sous la caresse douce de ses doigts dans mes cheveux.

 

Lugh ne soigna pas mes pieds frits pendant mon sommeil et je lui en voulus. Je suppose qu’il avait retenu la leçon mais, quand je finis par me réveiller vers midi, je le regrettai aussitôt. Chaque pas embrasait mes pieds. Je m’efforçai d’oublier que ça aurait pu être pire.

Brian fut tout simplement incroyable. Pendant mon sommeil, il s’était occupé de me procurer une nouvelle carte bancaire, m’avait commandé une nouvelle carte de crédit et m’avait ajoutée à son propre compte pour me dépanner. Et ce n’était pas tout : il m’apporta aussi mon petit déjeuner au lit.

J’avais une faim de loup et j’engloutis les délicieuses gaufres couvertes de sirop en un temps record. Brian m’observait avec un sourire satisfait. Mon cœur enfla et je fus sur le point d’éclater en sanglots pour la seconde fois en vingt-quatre heures. Comment avais-je pu éprouver une excitation, aussi fugace soit-elle, pour Adam ou Lugh alors que j’avais Brian ? J’avais honte de moi. Quand Brian voulut emporter le plateau à la cuisine, je ne le laissai pas faire.

— Pose-le sur la table de nuit, dis-je d’une voix rauque.

Ses yeux s’obscurcirent de désir sans effacer le froncement d’inquiétude qui plissait son front.

— Tu es certaine que c’est le moment ? Tu as passé une nuit terrible.

L’attrapant par le col de sa chemise, je l’attirai à moi. Ses lèvres étaient les plus douces que je connaisse. Elles avaient un goût familier et paradisiaque.

Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour bannir son inquiétude et privilégier mon bien-être. À la première caresse de ma langue, il se débarrassa de ses chaussures et grimpa sur le lit, prenant mon visage dans ses mains tandis que nos langues s’emmêlaient.

Quand il reprit son souffle, il se passa la langue sur les lèvres en m’adressant un sourire vicieux.

— Tu as le goût du sirop d’érable.

— Et que penses-tu du sirop d’érable ?

Ma voix n’était guère plus qu’un chuchotement à bout de souffle.

Il baissa le drap pour découvrir mes seins. Toujours avec son air de vilain garçon, il trempa son doigt dans une flaque de sirop sur l’assiette puis il frotta légèrement son index sur mon téton. Mon dos s’arqua de manière incontrôlable et je gémis. Il répéta son geste avec l’autre sein avant de me tendre son doigt afin que je suce le reste de sirop.

Nos yeux restèrent verrouillés tout le temps que je gardai son doigt dans la chaleur moite de ma bouche. Ses yeux sombres, le rougissement de son visage me confirmèrent qu’il ressentait la caresse de ma langue ailleurs que sur son doigt. J’imaginai faire lentement couler du sirop d’érable sur sa queue dure et chaude puis m’en remplir la bouche. J’étais trempée. Je le voulais en moi sur-le-champ.

Pendant un bref instant, je songeai à mon invité indésirable qui ressentait tout ce que je ressentais. Puis je chassai cette pensée.

Contrairement à pas mal d’hommes que j’ai connus, Brian aime autant les préliminaires que l’acte en lui-même. Il peut facilement passer une heure sous cette torture des sens, si bien que, quand nous cédons tous les deux, l’immense soulagement éprouvé n’en rend le plaisir que plus précieux.

Là, pourtant, je ne tenais pas aux préliminaires. Il n’était pas question d’assouvissement physique, mais bien de sexe primal, véritable affirmation de la vie, que l’on ressent après avoir fait l’expérience de sa propre mortalité. Brian, amant extraordinaire, le devina sans que j’aie besoin de le lui dire. Voyez comme je m’accroche à lui si égoïstement quand je pense qu’il s’en sortirait mieux sans moi ?

Il joua assez longtemps avec mes seins pour en essuyer le gros du sirop, avant de s’occuper de moi plus bas. À cheval sur mes jambes, il s’assit sur ses talons et défît sa ceinture et sa fermeture Éclair. Il ne prit pas la peine de se dévêtir et se contenta de baisser son pantalon et son boxer avant d’écarter mes jambes avec ses genoux.

D’habitude, j’aurais insisté pour qu’il mette un préservatif. Je prends la pilule, mais je crois qu’il vaut mieux utiliser deux moyens de contraception, juste au cas où l’un des deux serait défaillant. Mais, après la nuit passée, je ne voulais aucun obstacle entre nous : je ne voulais sentir rien d’autre que lui, s’enfonçant profondément en moi et m’aimant de tout son corps et son cœur.

Quand il se glissa en moi, ce fut si bon que je ne pus contenir un gémissement. Je tirai son visage vers le mien pour lui dévorer la bouche. Ses hanches commencèrent à aller et venir – des poussées fortes et percutantes – pendant que je l’entourais de mes jambes en gémissant.

Il ne me fit pas l’amour, pas cette fois. Il me baisa. Et c’était parfait. Je jouis si fort que je m’en cassai la voix. J’espérais que les voisins n’étaient pas chez eux.

Quand ce fut fini, il eut l’air gêné par ce qu’il appelait son manque de finesse. Le souffle toujours court, je caressai sa joue couverte de sueur.

— Il y a un moment pour la délicatesse. Mais ce n’était pas le moment.

— Ouais, dit-il en roulant sur le côté.

Je ne sais pas si cela suffit à le convaincre. Mais en cette seconde, je me sentais si bien que c’était sans importance.

Les problèmes commencèrent quand je lui demandai si je pouvais lui emprunter une paire de baskets. Il chausse plus grand que moi mais, comme j’ai des pieds comme des péniches, surtout quand ils sont bandés, je supposai que je parviendrais à les faire tenir dans ses chaussures. Il n’avait pas objecté quand je m’étais levée et m’étais habillée. Mais là, cela le gênait.

— Pourquoi as-tu besoin de chaussures ? me demanda-t-il d’un air soupçonneux. Tu ne dois pas rester debout.

J’avais besoin de chaussures parce qu’il fallait que j’aille voir Adam et que je lui demande s’il était capable d’exorciser mon démon caché. J’avais prévu de garder ce détail pour moi. Même si je pensais que Brian ne croirait pas davantage ce que j’étais sur le point de lui faire avaler.

J’aurais cru pouvoir m’en sortir sans avoir à en passer par cette discussion, mais c’était inévitable. Je soupirai et tapotai le lit près de moi. Il croisa les bras en me regardant d’un air obstiné.

— Tu ne vas nulle part, Morgane.

Je le suppliai du contraire.

— Il faut que je sorte.

— Conneries !

Je sursautai. Je n’ai pas l’habitude qu’il se mette en colère si vite et si facilement. J’avais vraiment une mauvaise influence sur lui.

— Tu ne comprends pas, dis-je. Je pense que quelqu’un essaie vraiment de me tuer et je te mets en danger en restant ici.

Cet argument retint son attention. Son visage se vida de son sang. Il ne s’assit pas sur le lit à côté de moi, mais il tira un fauteuil et s’appuya sur un des bras afin que nos yeux soient à même hauteur.

— Tu veux dire quelqu’un d’autre que les gens de Colère de Dieu ? (J’acquiesçai.) Qui et pourquoi ?

Je soupirai.

— Si je le savais, la vie serait beaucoup plus simple.

Une fois que je lui en eus parlé, il ne fut pas difficile de le persuader que j’avais raison. Il dut admettre qu’il était peu probable que toute cette merde se mette à pleuvoir sur moi par pure coïncidence. Je n’eus pas besoin de lui raconter mon aventure avec Val, ce qui était une bonne chose parce que je ne pouvais m’imaginer lui en faire part sans lui avouer que j’étais possédée.

Brian est, en bien des façons, la quintessence de l’homme moderne sensible. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’a pas, enterrés sous son vernis civilisé, les mêmes instincts primitifs que les autres hommes. Et on sait comme un homme aime entendre que sa femme est en danger et qu’elle va se tenir à l’écart pour son bien.

Je ne me rappelle pas grand-chose de notre dispute. Je crois que mon inconscient me protège de la douleur, parce que c’est devenu assez vilain vers la fin. Brian me beugla dessus, son visage était rouge de rage – de la part d’un homme qui ne hausse jamais la voix –, et je lui beuglai dessus en retour. Nous étions tellement en colère l’un contre l’autre que nous avons eu de la chance de ne pas en venir aux mains.

Je sortis en claquant la porte, peu après 15 heures, sentant à peine la douleur de mes pieds blessés. J’avais pris un sac avec des vêtements de rechange, la carte de crédit de Brian et deux cents dollars en liquide. Brian m’avait littéralement jeté l’argent au visage quand il avait compris que rien de ce qu’il disait ou faisait, à l’exception peut-être de me ligoter, ne me ferait rester. Par fierté, je faillis ne pas prendre son argent, mais mon esprit pratique me rappela que je n’avais pas grand choix.

L’esprit pratique eut le dessus et je passai les quelques minutes qui suivirent à ramasser les billets de vingt éparpillés sur le sol sous le regard de Brian. Je m’attendais qu’il me sorte quelque chose du genre « Et ne remets plus les pieds ici ! » quand je franchis la porte, mais il ne le fit pas.

Pendant un moment, je fus sur le point de pleurer, mais je parvins à retenir mes larmes. Il avait pris la chose à peu près comme je m’y étais attendue. J’allais devoir digérer tout ça.

Je pris une chambre au Marriott du Palais des Congrès parce que l’hôtel était bien situé. En dépit de la douleur insoutenable de mes pieds, je m’arrêtai dans la galerie marchande pour m’acheter des chaussures et des vêtements. Je n’essayai rien : fait étrange, je n’étais pas d’humeur à faire du shopping.

Je ne pouvais chasser le souvenir de Brian en train de me hurler dessus, ni la douleur brute qui brillait dans sa colère. Chaque fois que j’y pensais, mes yeux se remettaient à me picoter.

Il avait été élevé dans une famille qui l’avait entouré, aimé et soutenu. On lui avait appris qu’il n’existait pas de problème trop grave pour être insoluble, que l’amour est plus fort que tout, que la vertu est toujours récompensée. Il n’allait pas jusqu’à penser que nous vivions dans un monde utopique, mais il estimait que ça valait le coup d’essayer.

Pour ma part, j’avais été élevée dans un monde plein de colère, de ressentiment et d’amertume. Les meilleurs professeurs de la planète m’avaient appris à ne pas faire de compromis. À treize ans, j’avais découvert le cynisme. Je garderai cette leçon en moi jusqu’à la fin de mes jours.

Je ne pourrais jamais faire partie du monde de Brian. Une fois que vous êtes passé du côté sombre, il est impossible de revenir dans la lumière. Par contre, il m’était possible d’entraîner Brian dans mon monde sans faire beaucoup d’efforts. La dispute de ce jour-là démontrait qu’il glissait déjà sur cette mauvaise pente.

Je ne pouvais pas permettre que cela se produise. Ç’aurait été comme détruire une œuvre d’art inestimable. Je devais lui rendre sa liberté avant qu’il soit trop tard. Même si en arriver là équivalait à détruire une partie de moi-même.

À l’hôtel, je me pinçai le nez et me forçai à avaler un rhum-Coca en espérant qu’un peu d’alcool me permettrait de me sentir mieux. Cela ne marcha pas. Comme celui qui en avait après moi n’allait pas s’en tenir là simplement parce que j’étais déprimée, j’appelai Adam à son bureau. Naturellement, il était absent. J’essayai de convaincre le type qui répondit pour lui de me donner le numéro de portable d’Adam, mais il refusa platement. Mon charme ne faisait plus effet. Je lui laissai donc un message urgent, demandant qu’il me rappelle dans ma chambre d’hôtel, puis je m’allongeai sur le lit et regardai fixement le plafond.

Au bout d’un quart d’heure de contemplation, je me sentais encore plus mal qu’avant et j’envisageais sérieusement de m’envoyer une nouvelle rasade d’alcool. Heureusement pour moi, le téléphone sonna. Je pense que, si j’avais bu davantage, j’aurais tout bonnement vomi.

Je refusai de confier à Adam l’objet de mon appel – on ne sait jamais qui peut écouter –, mais il n’insista pas trop. Il avait entendu parler de l’incendie et je suppose qu’il prenait en considération mon état de nerfs.

Vingt minutes plus tard, il était à la porte de ma chambre. Il me vint à l’esprit que demander à un bel homme de vous rejoindre dans une chambre d’hôtel pouvait être considéré, dans certains cercles, comme une invitation. J’espérais fichtrement que ce n’était pas ce à quoi Adam avait pensé en ne posant pas plus de questions.

Il fronça les sourcils dès que je lui ouvris la porte.

— Tu as une sale gueule, dit-il.

Je le laissai entrer.

— Merci pour ces paroles de réconfort.

Je me retournai pour le regarder, me rappelant les pensées impures que j’avais eues à son sujet, la veille, puis de quelle manière j’avais arraché le cœur de la poitrine de Brian plus tôt dans l’après-midi. C’était trop. Je sentis mes yeux s’emplir encore de larmes.

Adam écarquilla les yeux.

— Je suis désolé, dit-il. Ce n’était pas très délicat de ma part.

La dernière chose dont j’avais besoin était qu’un beau démon sadique fasse preuve sans aucune raison de gentillesse à mon égard. La gentillesse entamait mon armure plus vite que le reste.

J’ignorai grossièrement ses excuses et me dirigeai d’un pas lourd vers l’autre bout de la pièce, où étaient disposés deux fauteuils inconfortables. Bon, je ne marchais pas vraiment d’un pas lourd – parce que mes pieds me faisaient vraiment trop mal –, mais je m’efforçai d’en imiter l’intention. Adam dut remarquer ce que cela me coûtait.

— Tes brûlures n’ont pas guéri ? me demanda-t-il en s’asseyant.

Je secouai la tête, encore incertaine quant à la portée de ma voix.

— Et pourquoi donc ?

— Tu as un esprit ouvert ?

Il émit un bruit entre un grognement et un rire.

— Plus ouvert que le tien, c’est sûr.

Je ne relevai pas et lui parlai de mon auto-stoppeur. J’observai son visage avec attention pendant que je lui parlais, cherchant à déterminer s’il me croyait ou non. Je vis autre chose – je n’aurais su dire quoi –, quelque chose de particulièrement intéressant. Quand je prononçai le nom de Lugh pour la première fois, Adam sursauta.

Ce fut presque imperceptible. Si je ne l’avais pas scruté si intensément, je ne l’aurais probablement pas remarqué.

Le nom de Lugh signifiait quelque chose pour Adam. Restait à savoir si je pouvais apprendre quoi.

Il garda le silence pendant un long moment après que j’eus fini de parler. Il semblait plongé dans ses réflexions. Du moins, ce fut ainsi que j’interprétai son regard lointain. Pour ce que j’en savais, il aurait pu tout aussi bien se demander ce qu’il allait manger le soir même.

Quand il eut fini de méditer, il m’attrapa par la main avant que j’aie pu prévoir son geste.

— Hé ! protestai-je en essayant de me dégager.

— Chut ! me dit-il, emprisonnant ma main entre les siennes tout en fermant les yeux.

J’avais envie de lui dire ce qu’il pouvait exactement faire de ses « chut », mais je me devinai que cela ne servirait à rien.

Au bout de trente secondes environ, il me lâcha, ouvrit les yeux et secoua la tête.

— Je ne le trouve pas, dit-il. Je crois qu’il est quelque part à l’intérieur de toi, sinon ton hématome n’aurait pas disparu, mais il est submergé par ton aura.

Il se leva et se mit à aller et venir.

— Comment un être humain peut-il être aussi puissant ?

Je crois qu’il se parlait à lui-même. Ce qui ne m’empêcha pas de lui répondre.

— Est-ce que tu te demandes comment c’est possible que je submerge n’importe quel démon, ou celui-ci en particulier ?

Surprise, surprise, il ne répondit pas. En revanche, il cessa de faire les cent pas juste devant mon fauteuil et baissa les yeux sur moi. J’aurais voulu me lever pour éviter de me tordre le cou comme ça, mais j’imaginais quelle serait la douleur dans mes pieds et je n’étais tout simplement pas prête.

— Alors il t’a écrit ces lettres pendant que tu dormais et il communique avec toi par le biais de rêves, c’est ça ?

— Ouais.

Adam acquiesça. D’après son expression, je sus qu’il avait pris une décision.

— Je suis désolé, Morgane.

Avant que j’aie même le temps d’être un tant soit peu inquiète, il me frappa au visage du revers de la main. Un coup assené avec la force d’un boulet de démolition.

 

Morgane Kingsley, Tome 1
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